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Elle avait pour les homosexuels un respect de premier ordre La grande Lady Alys Robi nous quitte!

Wednesday, June 15th, 2011

Par Roger-Luc Chayer
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Photo Alys Robi et Roger-Luc Chayer (1993) par Mario Lemire

La première grande star du Québec, Alys Robi, s’éteignait le 28 mai dernier à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal. Elle entretenait avec l’éditeur de Gay Globe Magazine, une amitié parfois très intense et elle laisse dans le deuil toute la communauté gaie pour qui elle avait un grand respect.

“V’la Sacha Guitry”, qu’elle disait de vive voix souvent en me voyant, comparant mon apparence à celle du célèbre dramaturge français mort en 1957, à cause de ce grand manteau noir que j’aimais porter l’hiver quand j’allais à sa rencontre, donnant l’apparence d’une cape!

L’annonce de son décès a eu l’effet d’une bombe autant dans le public que pour moi, à titre personnel, car je devais entamer avec elle des discussions sur la possibilité d’organiser bientôt une série de spectacles, elle le souhaitait plus que tout et n’arrivait pas à se trouver un commanditaire.

Je ne reviendrai pas ici sur le personnage d’Alys Robi, les médias nationaux s’en chargent déjà très bien mais j’ai le goût de vous raconter deux petites anecdotes très drôles qui montrent bien qui était Alys, en privé.

Un soir, elle décide d’aller à une première au Théâtre National de Montréal, rue St-Laurent, histoire de rappeler aux convives qu’elle était toujours la Reine des stars du Québec et me passe un coup de fil pour savoir si j’ai envie d’aller avec elle. Évidemment on ne dit pas non à Alys Robi et je m’empresse d’aller la chercher chez elle, au Chez-Nous des Artistes rue Beaubien. Nous arrivons au théâtre et elle croise Olivette Thibault, comédienne très connue. Elle me présente et me demande “tu sais c’est qui j’espère?”, et moi je répond “oui bien sur Alys, c’est Rita Bibeau…!” Ceux qui ne savent pas le visage que peut faire Alys quand elle est surprise ne pouvaient pas la manquer ce soir-là car pour elle, Rita n’avait aucune ressemblance avec Olivette. Quand elle était trop sérieuse, il fallait savoir la faire rire un peu et elle adorait qu’on vienne comme ça la chercher dans son petit monde et ses sentiments sans qu’elle ne s’y attende.

Une autre fois, elle voulait payer le souper au Red Lobster de St-Léonard à son petit neveu (un beau gamin de 21 ans) et voulait qu’il nous accompagne pour manger des homards mais elle était franchement de mauvaise humeur ce jour-là, comme ça, sans raison.

Tout le long du trajet en voiture, elle me répétait où aller, comment conduire, me chicanait pour un rien, bref, c’était l’enfer. Elle ajoutait à ses remarques quelques “dépêche nono” ou “tu conduis franchement mal toi”…

Arrivé au resto, n’en pouvant déjà plus de son humeur du jour et comme il y avait du verglas partout dans le stationnement, j’ai proposé de la déposer devant la porte, le temps de stationner et de lui éviter une marche, elle avait une canne. “Si tu penses que tu vas me laisser comme une poire devant la porte toi…”. J’ai alors proposé de stationner la voiture et de lui tenir la main pour marcher “c’est ça, je vais me casser une hanche avec le verglas et tu seras pas fier de toi”. Avec patience je lui ai alors proposé de la laisser devant la porte, avec son neveu, moins de 30 secondes. Go!

Étant totalement exaspéré, plutôt que de stationner, je suis parti en trombe, la laissant avec son neveu. Le téléphone a vite sonné à la maison 15 minutes plus tard “Tu te penses drôle ou quoi? Si tu reviens je te paye le dessert :O)”

Dans la vie privée, Alys Robi avait la réputation d’avoir un très mauvais caractère mais elle savait toujours comment récupérer ceux qu’elle aimait. Si ce n’était avec son trémolo qu’elle savait très bien utiliser, au bon moment, c’était avec des mots très sincères. Au fil des années, j’ai été privilégié d’avoir la chance de la fréquenter et de comprendre que si elle avait tant de souffrance, c’était à cause de son coeur, de ses émotions. Elle aimait à en mourir, elle ne supportait pas la trahison. Alys est décédée le 28 mai, elle a donné l’envie aux québécois de croire qu’ils étaient une sorte de grand peuple capable de tout, nous lui devons bien une sorte de grands honneurs non?